De l’Antiquité jusqu’en 1852, les huîtres ne sont exploitées sur le littoral atlantique qu’en tant que ressource de pêche où elles sont « cueillies » à la drague. Au XVIIème et XVIIIème siècle, l’huître gagne en succès, à la cour du roi puis auprès de la bourgeoisie. Son commerce rentable conduit à l’épuisement des gisements naturels. L’arrivée du chemin de fer dans les années 1840 et la facilité du commerce en résultant accentuent la pression sur les ressources naturelles en huîtres du Bassin. En 1848, la cueillette des huîtres est presque abandonnée. L’huître exploitée est alors l’espèce endémique, l’Oestrea edulis, l’huître plate appelée gravette.
Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, illustration de l’article « pêches de mer ».
Date : 1771.
Illustration : la récolte d’huîtres par râteau et dragues.
Poissarde de Bordeaux disputant avec un Md. d’huîtres de la tête de Buch.
Graveur: LABROUSSE Dessinateur: Jacques GRASSET DE SAINT-SAUVEUR.
Date: entre 1800 et 1825.
Lieu de conservation: Musée d’Aquitaine.
Le développement de l’ostréiculture marque aussi l’essor de plusieurs filières économiques qui lui sont liées. On trouve alors des expéditeurs, des gardiens de concessions, ainsi que des activités d’exploitation du bois du fait d’une forte demande en matériaux pour répondre au besoin en construction de pinasses, bacs et chalands, de cabanes, de balisage des parcs, etc. La communauté scientifique n’est pas en reste, et on assiste à la création en 1863 de la Société Scientifique d’Arcachon.
Marchande d’huîtres de Bordeaux.
Date: 1818-1819.
Graveur: le ROY.
Vue panoramique d’Arcachon.
Affiche éditée par la Société immobilière d’Arcachon.
Date : vers 1880.
Les premières tentatives d’ostréiculture …
C’est grâce à l’intervention de Victor Coste, chargé par Napoléon III de développer la production des espèces marines du littoral atlantique, que surviennent les premières avancées techniques. En 1859, il crée les premiers parcs à huîtres et dépôts permanents du Bassin : les « Parcs Impériaux ». Victor Coste invente en 1858 le premier collecteur de naissain. Cependant, les jeunes huîtres sont tuées ou blessées au moment du détroquage.
Portrait de Napoléon III en uniforme de général de division dans son grand cabinet des Tuileries.
Date : 1771.
Illustration : la récolte d’huîtres par râteau et dragues.
Portrait de Victor Coste.
Auteur : Inconnu.
Date : XIXème siècle.
…Et les premières avancées techniques
En 1866, un maçon arcachonnais, Jean Michelet, innove et révolutionne la technique de captage en milieu naturel en mettant au point des tuiles recouvertes d’un enduit à la fois résistant à l’eau, capable de fixer les larves, et friable, permettant ainsi de détroquer les huîtres sans les blesser. Cette innovation annonce le début de l’ostréiculture dans le Bassin d’Arcachon. Aujourd’hui encore, les tuiles chaulées sont la spécificité du Bassin d’Arcachon.
Arcachon – Le détrocage des jeunes huîtres.
Date : 1900 – 1910.
Les premiers succès : « l’âge d’or » de l’ostréiculture
De 1870 à 1875, le nombre de parcs exploités est multiplié par cinq : de 500, on passe à plus de 2600, un chiffre qui continue encore d’augmenter jusqu’en 1890. Les huîtres commercialisées sont celles dites d’élevage et de demi-élevage. Elles sont expédiées vers tous les autres centres ostréicoles français et européens.
Les premières crises et défis de l’ostréiculture
De 1891 à 1896, la mauvaise organisation des circuits de commercialisation et l’explosion de la production provoquent la chute des cours et un abandon des parcs. Cette situation mène le Bassin à une première crise commerciale. Cependant, sous l’influence du Syndicat Général de l’ostréiculture, la structuration du marché du Bassin s’améliore ainsi que sa compétitivité au niveau national.
En 1920, l’huître plate est décimée dans toute la France par une épizootie. Les ostréiculteurs doivent trouver une autre manière de produire. Ils commencent alors à cultiver « l’huître portugaise», Crassostrea angulata, introduite depuis 1868 suite au naufrage d’un navire portugais au large de l’estuaire de la Gironde.
Parc – Arcachon.
Auteur : Marcel DELBOY.
Date : 1908.
Les pratiques évoluent : de l’élevage au sol, à l’élevage sur table
De 1920 à 1930, la production reprend progressivement. Le Bassin d’Arcachon se positionne comme le premier « bassin naisseur » d’Europe. Jusqu’en 1960, les ostréiculteurs pratiquent « l’élevage à plat». Une fois les jeunes huîtres détroquées, elles sont posées à même le sol, régulièrement retournées à la fourche et ramassées à marée basse une fois matures. En 1960, l’arrivée des poches ostréicoles marque la naissance de l’élevage sur table.
Types du Bassin d’Arcachon – Pêcheur fabricant des casiers pour les huîtres.
Date : début du XXème siècle.
Lieu de conservation : archives départementales de la Gironde.
Le combat pour le maintien de la qualité du milieu
De 1930 à 1970, l’augmentation de la production est quasi régulière. De 1960 à 1970 la densité trop forte des élevages et la mauvaise qualité des eaux du Bassin provoquent une baisse de la production. Les ostréiculteurs appellent alors à une meilleure gestion des rejets des eaux usées urbaines et industrielles au niveau du Bassin. Cette demande conduit à la création, en 1964, d’un organisme chargé de la mise en place de réseaux d’assainissement : le Syndicat Intercommunal du Bassin d’Arcachon (SIBA). En 1971 l’huître portugaise est décimée à son tour par une épizootie. Elle est alors remplacée au cours d’une opération d’importation expérimentale par l’huître creuse japonaise : Crassostrea gigas.
Parc d’huîtres Bassin d’Arcachon.
Auteur : Agence ROL.
Date : 1920.
Une reprise encourageante
Le redressement est rapide, l’ampleur de l’action d’importation des huîtres et des naissains du Japon et du Canada porte rapidement ses fruits. Cette période marque aussi un changement dans les pratiques de commercialisation des huîtres, de l’expédition on passe peu à peu à la vente directe.
Pose des tuiles chaulées.
Date : 1975.
La crise du TBT : une nouvelle fois la détérioration de la qualité de l’eau menace la production
En 1974, l’ostréiculture subit une nouvelle crise, celle dite du tributylétain (TBT). Ce composé toxique, présent dans de nouvelles peintures de bateaux antisalissures, perturbe la reproduction des huîtres et altère la calcification de leur coquille. De 1977 à 1982, la récolte du naissain est quasi nulle. La production s’effondre et les faillites sont nombreuses. En 1982, la France réglemente l’utilisation du TBT dans les peintures nautiques. Le captage redevient abondant et les anomalies s’estompent.
Le travail des parcs.
Date : 1983.
Les récentes évolutions techniques et technologiques
En 1995 l’IFREMER, invente l’huître triploïde : fournies par des écloseries, elles sont stériles et ne consacrent pas d’énergie à leur reproduction. Dans les années 90, les techniques d’élevage en eau profonde arrivent sur le Bassin. Les cages contenant les poches sont immergées en continu, ce qui permet d’accélérer la « pousse » des huîtres.
La menace actuelle des mortalités juvéniles
Depuis 2008, on assiste à une crise nationale de mortalité estivale des jeunes huîtres due à l’herpès virus OsHV1. On observe cependant depuis 2013 une baisse significative du phénomène, mais qui reste une source de préoccupation avec une reprise des mortalités en 2016. L’année 2020 est marquée par plusieurs vagues de mortalités significatives. Sans que la cause soit clairement établie. Les professionnels constatent une corrélation entre les fortes pluies et la survenance de ces mortalités.
Travail des parcs du Cap Ferret.
Auteur : Sébastien HUSTE.
Date : 2019.